Accusée d’avoir autorisé la vente aux enchères de copies illégales d’un film documentaire, la société américaine eBay a bénéficié des limitations de responsabilité accordées par le Digital Millenium Copyright Act (DMCA) aux fournisseurs de services internet.
Dans un jugement du 6 septembre 2001, une cour de district de Californie a estimé que la société de vente aux enchères en ligne eBay [ebay.com] ne pouvait être tenue pour responsable des contrefaçons qui s’échangent à travers ses services.
Robert Hendrickson, co-producteur d’un documentaire portant sur le tueur en série Charles Manson, avait mis la société eBay en demeure d’empêcher la vente des contrefaçons du film sur DVD. L’entreprise lui a demandé une notification comprenant l’identification précise des produits contrefaits et attestant du fait que le demandeur possède bien les droits d’auteur dont il se prévaut. Refusant de se soumettre à une telle procédure, Robert Hendrickson engage successivement trois poursuites à l’encontre d’eBay.
Le juge Robet J. Kelleher a rejeté les deux premières demandes en dommages-intérêts considérant que l’activité d’eBay s’assimile à celle d’un fournisseur de services à l’internet dont le Digital Millenium Copyright Act (DMCA) limite la responsabilité*. L’immunité du fournisseur est néanmoins soumise à trois conditions. Celui-ci doit démontrer : (1) qu’il n’a pas eu connaissance de l’activité illicite ayant utilisé ses services ; (2) qu’il ne reçoit aucun bénéfice directement attribuable à l’activité illicite, s’il a le droit et la possibilité de contrôler une telle activité ; (3) qu’il a agit promptement pour supprimer le contenu relatif à l’activité illicite après avoir reçu notification de l’existence de l’infraction (17 U.S.C. section 512[c]).
Soigneusement analysée par la cour, chacune de ces conditions aurait bien été remplie par l’entreprise de vente aux enchères. Ebay avait pourtant reçu une première notification de la part du plaignant sans y avoir donné de suite favorables. Sur ce point, il a suffit au juge de constater que la notification ne remplissait pas les conditions de forme prescrites par le DMCA pour conclure que, n’ayant pu avoir une connaissance suffisamment précise de l’activité frauduleuse, la société eBay ne pouvait retirer les annonces frauduleuses.
Enfin, sur fondement du droit des marques (Lanham Act), la troisième poursuite visait à interdire tout nouvel affichage ou transmission d’annonces relatives à la distribution des copies du film Manson sur les sites d’eBay. Le juge remarque qu’une telle injonction obligerait injustement la société défenderesse à surveiller les milliers d’annonces paraissant chaque jour sur son site et à désigner, de son propre chef, celles d’entre-elles qui enfreignent les droits du plaignant.
Cette décision constitue une victoire importante aux Etats-Unis pour les portails d’échanges entre particuliers qui se voient ainsi conférer une immunité identique à celle des intermédiaires techniques.
* Adopté en 1998 pour modifier la loi américaine sur le droit d’auteur (Copyright Act), le Digital Millénium Copyright Act ne s’intéresse qu’aux infractions relatives aux droits d’auteur.